Un jeu qui fait froid dans le dos : La Russie instrumentalise-t-elle les jeux vidéo pour sa propagande ?
Un nouveau jeu a fait son apparition sur Steam, et il fait des vagues. Intitulé « Squad 22: ZOV », il met en scène l’invasion de l’Ukraine par la Russie et se targue d’être « officiellement recommandé par l’armée russe ».
Développé par SPN Studio et édité par Zarobana Entertainment, deux entreprises dont c’est la seule production, ce jeu de tir tactique gratuit suscite une vive controverse.
Est-ce de la propagande russe déguisée ? Comment Valve a-t-il pu l’autoriser sur Steam ? Les questions fusent.
Plongeon au cœur du conflit :
Selon la description du jeu, « Squad 22: ZOV » propose aux joueurs de revivre les « complexités des événements de 2014 et 2022-2024 à travers des campagnes captivantes ». On parle ici de l’annexion de la Crimée par Poutine et de l’invasion de l’Ukraine.
Le jeu prétend s’appuyer sur des « expériences et opinions de personnes lors de conflits historiques spécifiques » pour une retranscription fidèle. Mais il est aussi « officiellement recommandé par l’armée russe comme manuel de base de tactique d’infanterie pour la formation des cadets et de Yunarmy ».
Yunarmy : L’armée des jeunes embrigadés :
Créée en 2015 par Poutine, la Yunarmy (Mouvement national des cadets de la jeune armée) encourage les jeunes à rejoindre l’armée. Recommander des jeux vidéo ferait-il partie de la stratégie ? « Squad 22: ZOV » a été présenté à l’événement Army 2024.
Des conseillers militaires pour plus de crédibilité ?
Le site web du jeu met en avant des « consultants militaires spéciaux », dont Vlad Golovin, « Héros de la Fédération de Russie » qui a commandé un bataillon lors du siège de Marioupol. Cette bataille est d’ailleurs une mission jouable, tout comme le Printemps russe de 2014.
Le titre « ZOV » fait référence aux lettres utilisées sur l’équipement militaire russe pour afficher son soutien à l’invasion.
Un jeu qui dérange :
« Squad 22: ZOV » propose de « sauver des otages », de « capturer des prisonniers » (du point de vue russe, bien sûr), et d' »interagir avec des civils ».
Le développeur avoue même avoir utilisé l’IA « comme base pour le travail de nos artistes 2D, puis redessinée pour en faire de l’art authentique ».
Des sources ont révélé que le jeu présente les joueurs comme des soldats russes « libérant » des territoires ukrainiens. Il propose aussi du contenu payant pour des campagnes spécifiques. Valve finance-t-il indirectement un projet lié à l’armée russe ? Difficile à dire.
La page Steam du jeu est devenue un repaire de propagande et de discours haineux. Les évaluations récentes sont négatives, mais les anciennes sont pro-russes et contiennent des commentaires inquiétants.
La désinformation en marche :
Un compte de réseau social lié au développeur suggère que le refus de l’Ukraine de se rendre offrira « beaucoup de contenu pour créer plus de missions dans notre jeu ».
Le Centre ukrainien de lutte contre la désinformation a déjà pointé du doigt « Squad 22: ZOV », le décrivant comme un « élément clé du lavage de cerveau de la population, reflétant la version russe des événements concernant l’invasion de l’Ukraine et glorifiant le service militaire ».
La politique de Steam en question :
En 2018, Steam affirmait autoriser « tout sur le Steam Store, sauf ce qui est illégal ou du trollage pur et simple ». L’accent est mis sur le contrôle de l’utilisateur sur le contenu qu’il voit.
Valve a été contacté pour savoir quels contrôles de modération ont été effectués avant la sortie de « Squad 22: ZOV » et si le jeu restera sur la plateforme.
Récemment, Valve a retiré des jeux controversés, dont un qui abordait « le conflit Israël x Palestine du point de vue palestinien » et un autre, « No Mercy », critiqué pour sa violence sexuelle explicite.
L’affaire « Squad 22: ZOV » relance le débat sur la responsabilité des plateformes de jeux vidéo face à la désinformation et à la propagande.