Train, le jeu de société qui joue avec les émotions et l’éthique
Le gameplay, tout comme les autres éléments qui composent un jeu vidéo, est un moyen de véhiculer des émotions. 🕹️
L’émotion au cœur du jeu
Combien de fois avons-nous réfléchi aux jeux vidéo, en discutant avec nos amis des raisons pour lesquelles nous aimons ce média ? Parfois, la réponse se trouve dans l’aspect ludique, qui rend l’œuvre interactive en plaçant le joueur au centre de tout. D’autres fois, on penche pour la narration, le style artistique ou la bande sonore. Bien qu’il n’y ait pas de réponse unique et définitive, un objectif est évident : émouvoir le public. Lui permettre de s’échapper du monde réel pour ressentir des sentiments précis "à la demande". 😊
Envie d’atmosphères mélancoliques pour terminer la soirée en larmes ? Clair Obscur: Expedition 33 est le jeu idéal. Envie de frissons ? Silent Hill 2 est prêt à vous faire sursauter et vous angoisser. Envie de vous amuser avec vos amis ? En ce moment, il faut sauver la Super Terre dans Helldivers 2. Des émotions précises, ressenties au moment opportun, capables d’améliorer nos journées monotones. Mais que se passe-t-il quand un jeu nous surprend avec des émotions imprévues ? Que se passe-t-il si nous sommes convaincus de ressentir une émotion, mais que nous sommes submergés par quelque chose de différent ? Saurions-nous apprécier le travail des développeurs, ou serions-nous déçus par l’expérience ? 🤔
Train: Un Expérience Sociale
Encore une fois, chacun a sa propre réponse. Aujourd’hui, nous voulons vous parler de "Train", une expérience sociale imaginée par Brenda Brathwaite et créée autour d’une idée précise. Un jeu de société qu’il n’est pas possible d’acheter, mais qui fait le tour du monde depuis 2009, surprenant quiconque a la chance de l’essayer. 🌍
Attention, spoiler!
Nous allons aborder Train, Alice Is Missing – A Silent Role Playing Game, The Last of Us 2 et d’autres jeux de société et jeux vidéo, en révélant des éléments qui pourraient gâcher la surprise pour ceux qui souhaitent découvrir ces œuvres sans connaissance préalable.
Qui est Brenda Brathwaite?
Née à Ogdensburg (New York), Brenda Brathwaite est une game designer devenue célèbre pour son travail sur Wizardry, une série de jeux vidéo à la base de chefs-d’œuvre tels que Dragon Quest, Final Fantasy et Persona. Sa passion pour les mécaniques de jeu l’a amenée à créer des titres à succès, parmi lesquels se distinguent Jagged Alliance et Dungeons & Dragons: Heroes. Les plus malicieux ont peut-être découvert les œuvres de Brenda grâce à Playboy: The Mansion, un jeu de gestion de 2005 qui mettait le joueur dans la peau de Hugh Hefner. Un jeu loin d’être banal, qui a contraint Brenda à un incroyable travail de documentation, qu’elle a ensuite raconté dans son livre "Sex in Video Games". 🤓
Année après année, Brenda Brathwaite a pris conscience de sa passion pour l’enseignement. En 2008, elle a décidé de créer une série de jeux de société construits autour d’un mantra : "la mécanique est le message". Train, dont nous parlerons dans le prochain paragraphe, est la troisième des six œuvres qui composent cette période de sa vie. Une période durant laquelle Brenda a remporté plusieurs prix, devenant une figure emblématique du monde du Game Design. 🏆
Une anecdote pour conclure la biographie de Brenda : durant cette seconde partie de sa vie, cette talentueuse créatrice a rencontré l’homme qui est devenu son mari en 2012. Cet homme n’était autre que John Romero, le créateur de Doom. Après son mariage, Brenda a pris son nom de famille, devenant célèbre sous le nom de Brenda Romero.
Train: Bien plus qu’un jeu
Qu’est-ce que Train ? C’est un jeu de société qui s’inspire du genre des "race to the limit", comme le Jeu de l’Oie, où les joueurs doivent atteindre une destination en premier. Ici, les participants doivent entasser le plus de voyageurs possible dans les wagons d’un train, tout en sabotant la mission des autres, et les emmener au terminus. Terminus représenté par une carte qui révèle la destination de nos pions. Malheureusement, au verso de chaque carte Terminus sont imprimés les noms de différents camps de concentration nazis. 😥
C’est autour de cette révélation finale que se déroule toute l’expérience du jeu. Quand le joueur réalise qu’il vient de contribuer à la mort de tous ces pions jaunes, métaphore des prisonniers tués pendant la Seconde Guerre mondiale. Le gameplay prend alors une valeur qui dépasse la simple séquence d’actions, jouant un rôle que l’on pourrait qualifier d’"éthique". Preuve en est que, même si l’on connaît la destination des pions, le message fonctionne toujours. Chaque action cesse d’être une simple mécanique, projetant notre imagination dans le drame de la déportation.
Train nous met dans la peau de ces "méchants" souvent silencieux. Ces personnes qui ont fait ce qu’on leur disait sans poser de questions, comme les joueurs qui suivent passivement les règles d’un jeu de société. Où vont ces trains ? Que font toutes ces personnes à bord ? Quel est le but de tout cela ? Des questions simples qui cachent une réflexion bien plus profonde et qui permettent au gameplay d’atteindre une maturité à ne pas sous-estimer. 🤔
Mécaniques de jeu au service des Émotions
Le résultat obtenu par Train est louable, mais ce n’est pas la seule œuvre à y parvenir. Bien que le travail de Brenda Brathwaite reste l’un des cas d’étude les plus intéressants, de nombreux jeux et jeux vidéo ont suivi la même philosophie. Dans le monde des TTRPG, par exemple, on trouve "Alice Is Missing – A Silent Role Playing Game", qui pousse les joueurs à communiquer uniquement par messages sur leur téléphone. Cela crée des situations impossibles avec un autre type de jeu. 📱
Ou que dire de jeux vidéo comme "Papers, Please", développé par Lucas Pope ? Le joueur incarne un agent de contrôle de l’immigration dans le pays fictif d’Arstotzka. Chaque décision a des conséquences, forçant le public à assumer ses responsabilités, pour le meilleur et pour le pire.
Grâce au pouvoir des jeux vidéo, il n’est pas nécessaire de piocher dans le marché indépendant pour trouver des situations où le gameplay prend un but narratif. Pensons à la fin de "The Last of Us Part II", où (sans spoiler) le joueur doit effectuer des actions pour faire avancer l’histoire, actions qu’il ne voudrait probablement pas faire s’il avait le libre arbitre. 🕹️
Nous voulons souligner l’énorme potentiel du gameplay, qu’il s’agisse d’un jeu vidéo ou non. Permettre aux utilisateurs de "se salir les mains" et d’agir dans un monde fictif est un excellent moyen d’entraîner leur éthique. De prendre des décisions erronées et de vivre des situations désagréables, afin d’apprécier notre quotidien. Concluons avec une citation de Brenda Brathwaite :
"Tout comme les photographies, la littérature et la musique peuvent transmettre l’expérience humaine, les jeux le peuvent aussi."
Une affirmation banale en apparence, car les jeux vidéo ont encore du mal à dépasser le stade du divertissement pour entrer dans le monde de la culture et de l’art. 🎨